La chronique du jour par Pascal Pons: Aujourd’hui, je n’ai pas de chance
La chronique du jour par Pascal Pons. Aujourd’hui, je n’ai pas de chance
Dimanche 1er juillet 2012 : Lineynoye – Yashkul’
Km du jour : 171 km – Km cumulés : 8 421 km
Km restant à parcourir : 5 979 km
Départ : 7h – Arrivée : 18h
J’avais choisi cette journée pour en faire une chronique que je pensais bien remplir , me disant qu’avec tant de kilomètres nous verrions tellement de choses qu’il me faudrait sûrement en couper pour que cela rentre dans nos créneaux d’édition.
Hélas, entre Lineynoye et Yashkul’, le paysage, hormis quelques beaux étangs salés les premiers kilomètres, se met rapidement à ressembler aux longs moments monotones du Kazakhstan.
Alors comment voulez-vous que je vous passionne avec ce décor là : de la steppe, de très belle facture certes ; des bruns bien bruns, des jaunes bien jaunes, et des verts bien verts, mais d’une platitude exaspérante sur la distance (172 km). Cerise sur le gâteau, une grande partie du coté droit de la route avait eu droit à la politique de la «terre brûlée» : cela ne vous incite pas à la poésie.
Je peux tout de même vous dire que nous avons démarré vers 7h00 sur une route en creux et bosses, ce qui gommait un peu l’ennui dû au relief totalement plat, et le vent est pour nous, ce qui nous donne une moyenne confortable.
Au kilomètre 55, une poignée d’entre nous s’est arrêtée sur un de ces magnifiques «parking-aire-de-repos», orné de déchets de toutes sortes, d’un WC de type chinois (pour nous c’est la référence), et d’un trottoir pour s’asseoir. Le but étant une pause alimentation, ce fut vite fait.
Nous savions, par des contacts locaux extrêmement sérieux sur ce point, qu’il devait exister un bar au kilomètre 85. Donc, le mouvement de notre pédalée nous rapprochait assez rapidement de ce point touristique intéressant.
Déjà plein de vélos, appuyés contre les murs de l’établissement, montrent le sérieux des prestations proposées. Une épicerie accolée comble les éventuels manques du bar. Évidemment, je me fais avoir avec un litre de Coca tiède, que j’avale quand même, parce que j’ai un peu soif, et que cela fait une pause, l’endroit étant agréable.
Mon breuvage ingurgité, je repars dans un petit groupe comprenant Patrick Le Saux, détail qui aura son importance, nous le verrons plus tard.
Et c’est là que je place mon premier atout inespéré : alors que nous sommes lancés à un train d’enfer vers le point de pique-nique (talonnés par les trois serre-files car nous avons un tantinet traîné), je vois dans la steppe des trucs bizarres qui bougent au loin. Arrêt d’urgence, j’attrape mon appareil, et, le zoom déployé, j’informe Patrick: «Ce sont des oiseaux!», ce qui n’était pas évident au premier abord.
Patrick est un passionné d’ornithologie, et regarde les bestiaux de plus près : «Ce sont des grues cendrées». Des grues dans ce paysage, cela mérite de s’approcher, mais elles s’envolent aux premiers pas vers elles. Ré enfourchant nos bécanes, sous l’œil moqueur des serre-files (qui aimeraient bien que l’on avance plus vite), nous faisons quelques kilomètres, et revoyons les volatiles de nouveau dans la steppe.
Ce coup-ci je m’avance plus prés du sol et réussis enfin un ou deux clichés qui permettent de mieux voir ce bel oiseau. (Voir les photos du jour)
Comme j’étais allé assez loin, je ne vous raconte pas l’humeur de notre arrière-garde, qui voyait l’heure du repas reculer. Puisque j’en viens à parler de cette fonction au sein du PPL, je vais vous en donner quelques précisions : Les serre-files se désignent eux même à Michel Arnoult qui en gère l’utilisation. Comme leur nom l’indique, ils restent en arrière du groupe, attendant celui qui est allé faire une photo, acheter une banane, taper la discute avec un local, boire un coup, s’arrêter pour un besoin urgent, sans oublier les ennuis techniques divers.
Pour ceux qui souffrent d’un coup de pompe, il s’agit de remonter le moral, et d’abriter du vent les plus faibles. Les participants ont donc pour consigne de garer leur vélo bien en vue pour ne laisser personne derrière. Et aux regroupements, on se base sur leur arrivée pour déclarer le groupe au complet. Serre-file est donc un boulot assez dur, c’est pour cela que ce ne sont jamais les mêmes d’un jour sur l’autre.
À l’endroit du casse-croûte, belle vue sur la steppe, nous en repartons bons derniers. Nos serre-files se voient déjà en train de rattraper l’avant-garde, en poussant les retardataires dans leurs retranchements. Il ne faut pas leur en vouloir, c’est leur rôle, et il est vrai que ce n’est parfois pas rigolo de rouler derrière des gens épuisés ou qui font trop d’arrêts photos.
Mais…, horreur !, le vent de dos s’est changé pendant le repas en un abominable vent de face, bien fort.
Mais…, Patrick était parti quelques instants avant nous, et me hèle depuis un pylône électrique, à 50 m de la route. « Y’a un aigle là-bas ! ». Qu’auriez vous fait ? Je saute du vélo en marche, dégainant dans le même geste mon appareil photo (au diable les serre-files !), et fonce vers le pylône.
Et Patrick, pas peu fier de m’expliquer qu’il avait repéré un grand aigle, qui essayait de l’emmener loin dans la steppe en mimant une blessure (il parait que c’est un comportement classique), pour protéger un plus jeune, apparemment blessé qui était immobilisé au pied du pylône. Vous devriez donc voir une photo de Patrick tenant l’aigle, ému et la larme à l’œil, dans les photos du jour.
Même nos pousseurs en avant ont admis que cela valait le détour.
Bon, il faut quand même finir les 80 bornes qui nous restent, et cela sera très long, car le vent est de plus en plus fort, et nous de plus en plus fatigués, et le décor toujours aussi immuable.
Les relais s’organisent, et nous arrivons bien tard à Yashkul’, vers 18h30, où les premiers poireautent depuis une paire d’heures.
Nous sommes attendus et une petite réception avec des costumes locaux nous est donnée avant de prendre nos quartiers dans l’école, la douche et le repas.
Des courageux vont assister à la finale de la coupe d’Europe (je crois), les autres vont direct au lit: l’étape a été rude.